miércoles, 6 de febrero de 2008

II Lettre ouverte les Présidents


A Messieurs les Présidents d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, d’Equateur, du Paraguay, de l’Uruguay et du Venezuela
De la part de mouvements sociaux et de personnalités du monde

Pour une Banque du Sud basée sur un modèle souverain, solidaire, soutenable et intégrateur pour le développement du continent


Pour la seconde fois, nous nous adressons à vous pour exprimer l’énorme attente ouverte parmi nos peuples par l’initiative de création de la Banque du Sud. La réponse positive de nouveaux pays d’Amérique du Sud, qui ont manifesté leur désir de participer à la Banque du Sud, nous réjouit aussi.

Nous soussignés, sommes des réseaux, des organisations et des mouvements sociaux, des syndicats et des personnalités qui luttons contre le fléau des la dette publique illégitime, les politiques et pratiques perverses des institutions financières internationales existantes et le système de commerce mondial actuel. Nous sommes convaincu(e)s que la décision prise de créer la Banque du Sud peut représenter un immense pas en avant et une opportunité non seulement pour l’Amérique du Sud, mais aussi pour l’Amérique latine et la Caraïbe ainsi que pour d’autres régions de l’Hémisphère sud.

Nous venons de vivre une histoire récente de lutte contre les dictatures dans presque tout le continent. Cela explique notre volonté d’ouvrir et d’instituer de nouveaux espaces de participation et de démocratie directe. Néanmoins, la manière peu transparente et non participative dont se déroulent les négociations pour la création de la Banque du Sud, sans débat politique et sans consultation de nos sociétés, semble indiquer que nous sommes face à quelque chose qui pourrait devenir « du pareil au même ».

Notre conviction est qu’une nouvelle entité financière Sud-Sud doit tendre à dépasser les expériences négatives d’ouverture économique – avec la conséquence de toujours plus d’endettement et de fuite des capitaux -, de déréglementation et de privatisation du patrimoine public et des services de base laminés dans la région. Elle doit tendre aussi à dépasser les comportements non démocratiques, non transparents, régressifs et discrédités des organismes multilatéraux comme la Banque mondiale, la CAF (Corporation andine de développement), la BID (Banque interaméricaine de développement) et le FMI – comportements aujourd’hui amplement reconnus. Notre histoire récente a démontré que les choix de politique économique, sociale et environnementale, imposés à nos gouvernements à travers les conditionnalités, ont entraîné la décapitalisation et la désindustrialisation des économies de la région et les ont emprisonnées dans un modèle « agro - minier – exportateur » qui freine leur développement et approfondit leur situation subalterne vis-à-vis des économies du Nord tout en accroissant les inégalités sociales, les dommages écologiques et les dettes « éternelles » - financière, historique, sociale, culturelle, écologique.

Ayant bien conscience de l’importance pour les pays engagés jusqu’à présent dans la création de la Banque du Sud, d’arriver à un accord sur les thèmes clé liés à sa nature et ses objectifs, sa structure financière et opérationnelle, nous croyons essentiel de soumettre les propositions suivantes qui expriment les aspirations d’amples secteurs des sociétés de nos pays, en accord avec l’expression clairement manifestée de leurs principaux représentants consultés :

1. La Banque du Sud doit tendre à promouvoir un nouveau modèle de développement dont les valeurs fondamentales soient la souveraineté de nos peuples sur leur territoire et leur propre développement ; l’autodétermination responsable de nos politiques économiques, sociales et environnementales, la solidarité, la durabilité et la justice écologique. Au travers de la Banque, le développement économique et technologique doivent être conçus comme des moyens d’atteindre l’objectif supérieur qu’est le développement humain et social.
2. L’action de la Banque du Sud doit être déterminée par des mesures concrètes comme le plein emploi dans la dignité, la garantie de l’alimentation, de la santé et du logement, l’universalisation de l’éducation de base publique et gratuite, la redistribution de la richesse pour passer outre les inégalités, y compris celles de genre et d’ethnie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’élimination de leurs impacts sur les populations du continent et les autres peuples du Sud.

3. La Banque du Sud doit partie intégrante d’une nouvelle architecture financière latino-américaine et caribéenne qui comprenne un Fonds du Sud ayant fonction de Banque Centrale continentale, capable d’articuler un grand système continental de paiements avec la plateforme informatique la plus avancée ; un Fonds qui soit capable de lier les politiques qui promeuvent la stabilité macroéconomique avec les politiques de développement et de réduction des asymétries structurelles ; un Fonds qui envisage le développement futur d’un système monétaire commun au service d’une stratégie de renforcement des liens économiques et commerciaux à l’intérieur de la région, en introduisant des échanges entre les monnaies nationales et en travaillant à la création d’une monnaie régionale au moins pour les échanges intra-régionaux. La construction d’un espace de souveraineté monétaire et financière supranational requiert de se doter d’une grande flexibilité locale pour éviter des tendances sous impérialistes et le triomphe de l’orthodoxie monétariste dans certains aspects, comme dans la récente expérience européenne.

4. La Banque du Sud doit servir à récupérer les valeurs relatives aux dettes historiques, sociales et écologiques, dettes dont nos peuples sont créanciers. Les financements qu’elle octroie doivent chercher à dépasser les asymétries, les inégalités sociales et les dommages écologiques qui se sont perpétués depuis plus de cinq siècles sur le continent.

5. La Banque du Sud doit envisager la participation des organisations citoyennes et des mouvements sociaux non seulement dans l’élaboration de son architecture originale mais aussi dans la prise de décisions financières et opérationnelles ainsi que dans le contrôle de l’utilisation des fonds adjugés.
6. La Banque du Sud exerce sa direction de façon égalitaire entre les pays membres, en institutionnalisant et en respectant le principe égalitaire de « un membre, une voix » à tous ses niveaux de décision collégiale. Elle doit aspirer à canaliser l’épargne de l’ensemble de la région.

7. Les souscriptions de capital de la Banque du Sud doivent être proportionnelles à la capacité contributive des économies de ses pays membres. Les autres sources de capitaux de la Banque du Sud incluent une partie des réserves internationales, des prêts des pays membres, des taxes globales communes et des dons. Doivent être exclues les ressources financières des actuelles institutions financières multilatérales et des Etats qui ont perpétré le saccage de notre continent. Des dispositifs de la Banque du Sud doivent permettre l’augmentation croissante de l’utilisation des réserves des pays membres en dehors de la zone du dollar et de l’euro et stimuler le retour des capitaux nationaux déposés à l’étranger.

8. La Banque du Sud doit s’engager à respecter la transparence dans la gestion, en rendant compte publiquement de son fonctionnement et de son activité, en se soumettant à l’audit externe permanent de ses prêts et de son fonctionnement interne avec la participation sociale.
9. Pour que la Banque du Sud ne soit pas la reproduction des institutions financières traditionnelles, il faut que soient mis en avant de manière permanente la qualité, le sérieux et l’efficacité de l’administration, en interdisant tout privilège d’immunité à ses fonctionnaires, en assurant la pleine transparence de la communication en temps réel et le contrôle démocratique et social de la gestion. Pour éviter des coûts excessifs et des déviations bureaucratiques, le corps de fonctionnaires à constituer doit être à la fois limité en effectif et diversifié, efficient, efficace et administrativement polyvalent.

10. Les prêts doivent être destinés à la promotion d’une intégration régionale de type coopératif, basée sur des principes tels que la subsidiarité active, la proportionnalité et la complémentarité ; ils doivent financer des projets d’investissement public ; ils doivent tendre au développement local autogestionnaire et impulser l’échange commercial équitable et solidaire entre les familles paysannes, les petits producteurs, le secteur coopératif et d’économie sociale solidaire, les communautés indigènes et traditionnelles, les organisations socio-économiques de femmes, de pêcheurs, de travail, etc.

11. La Banque du Sud adopte comme priorité d’investissement les projets qui tendent à la souveraineté alimentaire et énergétique ; à la recherche et au développement de technologies appropriées au développement endogène et soutenable de la région, y compris les software libres ; à la production programmée et complémentaire de médicaments génériques ; à la récupération des savoirs ancestraux de nos peuples, en les systématisant et en les acceptant comme science agro-écologique ; à la promotion de la justice écologique ; au renforcement des services publics ; à l’appui aux victimes des déplacements forcés ; au développement de la communication et de la culture intra-régionale ; à la création d’une université du Sud et d’une équivalence des diplômes dans toute la région ; à l’infrastructure, au départ d’autres logiques d’organisation de l’espace, comme instrument des communautés pour le développement local autogestionnaire et solidaire. La Banque ne doit pas reproduire pas le modèle de financement des institutions financières internationales actuelles, modèle basé sur la construction de méga-projets destructeurs de l’environnement et de la biodiversité.

12. La Banque du Sud doit être considérée comme un instrument essentiel pour veiller à l’épargne et la canaliser, en rupture avec les cycles récurrents de déviation de l’effort national et régional à travers des manœuvres sur l’endettement et les titres publics. Il faut mettre fin aux subsides octroyés aux groupes économiques et financiers privés privilégiés et/ou corrompus, au niveau local et international. Il faut en finir avec la tolérance des mouvements spéculatifs d’entrée et de sortie des capitaux.

Tout ceci, nous l’exprimons en phase avec la Déclaration Ministérielle de Quito du 3 mai passé qui signale que : « Les peuples ont donné à leurs gouvernements le mandat de doter la région de nouveaux instruments d’intégration pour le développement qui doivent être basés sur des schémas démocratiques, transparents, participatifs et responsables devant leurs mandants. »

Les reports successifs de signature de l’acte de fondation nous inquiètent car ils peuvent indiquer l’existence d’indéfinitions significatives. Nous espérons que, lors des négociations pour dépasser ces indéfinitions, les propositions de cette lettre seront prises en considération.

L’actuelle conjoncture économique et financière régionale et internationale reste favorable pour réaliser des pas concrets en ce sens mais elle peut ne pas se prolonger. Nous sommes confiants que vous profiterez de cette possibilité historique pour créer ce qui pourra devenir une véritable Banque Solidaire pour les Peuples du Sud.

Nos salutations les plus distinguées.

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